27 octobre 2020
Elles ont sept et dix ans et viennent récupérer leur lunch box, pleine de riz, lentilles et légumes épicés. Derrière le masque, on devine le sourire de Reeva et Shruti contentes de pouvoir ramener à manger dans leur hutte.
A l’heure du repas, les fillettes viennent une par une au day care center où les responsables, Sharda et Nikita, ont pour défi d’organiser cette distribution de nourriture sans bousculade ni rapprochement. C’est tout un apprentissage que de tenir la distance dans un pays où la proximité est partout !
Elles ont entre quatorze et dix-huit ans, et se penchent sur leurs livres scolaires et leur téléphone portable. Derrière les masques, on devine les chuchotements de Gauri et Sandhya pour s’entraider malgré la distance. Aarti 6 préfère squatter le bureau vitré où aucun virus ne peut rentrer. Si le day care center n’est pas ouvert pour les activités habituelles, quelques grandes filles viennent y travailler, deux ou trois à la fois, pas plus. Elles ont ainsi une connexion internet stable et elles peuvent se concentrer sur leurs devoirs, dans le calme.
La Covid 19 bouscule les habitudes. A Mumbai, le déconfinement est en cours, mais le virus circulant toujours largement, certains groupes d’immeubles sont parfois « scellés », arborant une affiche mentionnant l’interdiction de passer … ce qui n’empêche personne d’aller et venir. Les femmes peuvent dorénavant voyager en métro, mais sur des plages horaires restreintes, histoire de tenter de réguler les déplacements. Mais il est difficile de conserver les distances et les masques. Les écoles n’ont pas encore eu l’autorisation d’ouvrir dans la mégapole.
Les enfants reprendront peut-être le chemin de leurs classes après les fêtes de Diwali et après que les parents aient signé une attestation officielle les y autorisant. D’ici là, la fête des lumières, le 14 novembre, sera bien différente des années précédentes. Au lieu des danses et chants festifs regroupant l’ensemble des enfants, Diwali se fera dans le calme, avec les mesures sanitaires imposées.
Lunch boxes et téléphones connectés feraient-ils figure de remède à la pauvreté et à l’exclusion ? Ces outils permettent à nos protégées de ne pas totalement sombrer dans la misère et de ne pas lâcher des cours en pointillé depuis plus de six mois. Comme l’écrit Christophe Jaffrelot, professeur à Sciences Po, spécialiste de l’Inde et soutien d’UTAB, la Covid 19 agit comme un amplificateur de pauvreté de masse en Inde. Et de citer : « le PNUD estime que 260 millions de personnes retomberont dans la pauvreté en 2020, soit presque autant que les 271 millions qui l’avaient quitté entre 2006 et 2016. » (blog de l’Institut Montaigne). Une décennie de croissance effacée par un virus.
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